Monsieur le docteur Stollenwerk, vous travaillez en tant que scientifique dans le centre de recherche Jülich. Sur quoi porte ce projet ?
Mr Stollenwerk : Chez QUASIM, nous souhaitons étudier le potentiel des ordinateurs quantiques concernant l'usinage des métaux. Nous nous concentrons donc sur des cas d'utilisation concrets. Un problème test sur lequel nous travaillons en collaboration avec TRUMPF est la préhension des pièces lors de la découpe laser. Souvent, ces préhensions ne se déroulent pas de la meilleure des manières, bien que les processus soient déjà actuellement optimisés au moyen de simulations par ordinateurs. Cela est lié au fait que la dilatation thermique des tôles (le laser étant très chaud) ne peut être que partiellement prise en charge dans les modèles actuels. C'est pour cette raison que des pièces découpées restent parfois suspendues à la tôle. Les machines doivent alors être arrêtées pour les libérer de ces pièces, ce qui entraîne des temps morts indésirés. Une optimisation du modèle de coupe grâce à l'informatique quantique et l'apprentissage par la machine pourrait aider à améliorer l'efficacité ainsi que la qualité des coupes.
A quel point avez-vous déjà avancé sur cette application ?
Mr Stollenwerk : Les ordinateurs quantiques d'aujourd'hui, malgré les progrès extraordinaires réalisés ces dernières années, sont toujours à un stade de développement précoce. Actuellement, il s'agit d'appliquer les problèmes à des problèmes partiels présentant des caractéristiques similaires aux tâches réelles et qui sont si simples qu'ils peuvent être résolus sur les ordinateurs quantiques actuellement disponibles, via seulement quelques Qubits. De cette façon, nous souhaitons parvenir à une estimation de la mesure dans laquelle les ordinateurs quantiques pourraient offrir, en pratique, un réel avantage quantique pour ce type de problème concret. Il convient également de se demander quelles caractéristiques un tel ordinateur quantique doit présenter et jusqu'où s'éléve l'effort de développement associé. Un objectif essentiel d'ici la fin du projet est d'obtenir une estimation des ressources nécessaires en ordinateurs quantiques pour obtenir un avantage quantique dans la pratique. Jusqu'à présent nous avons développé les premières approches concernant la façon dont on pourrait utiliser les ordinateurs quantiques à des fins d'accélération des procédés de l'apprentissage par machine, afin de simuler le dilatation thermique dans les pièces de tôle.
Quel rôle jouez-vous au sein du projet ?
Mr Stollenwerk : Chez QUASIM, nous travaillons avec le Centre de recherche allemand pour l'intelligence artificielle (Deutschen Forschungszentrum für Künstliche Intelligenz, DFKI) qui coordonne le projet, ainsi qu'avec l'Institut Fraunhofer pour la technologie de production (Fraunhofer-Institut für Produktionstechnologie, IPT), TRUMPF et la société de logiciels ModuleWorks de Aix-la-Chapelle. Ford et MTU font également partie du projet en tant que partenaires associés. Mon rôle consiste à coordonner les travaux du côté du centre de recherche Jülich. Mes collègues, les docteurs Alessandro Ciani et Sven Danz réalisent les activités de recherche et étudient des algorithmes quantiques qui pourraient être adaptés à la production.
Quel ordinateur quantique utilisez-vous pour le projet ?
Mr Stollenwerk : Actuellement, nous simulons encore l'ordinateur quantique sur un ordinateur classique. Cela nous permet de pleinement nous concentrer sur le développement des algorithmes quantiques en nous souciant moins des spécificités des systèmes quantiques actuels qui, d'une manière générale, sont encore tous quelque peu défectueux. Nous prenons cependant déjà en compte les caractéristiques d'un véritable matériel quantique, tel qu'il est développé dans le projet Qsolid par exemple. Cela comprend, par exemple, les taux d'erreur dans des opérations quantiques spécifiques et la connectivité limitée des Qubits.
Depuis l'été 2022, le docteur Tobias Stollenwerk travaille en tant que chef de groupe sur des algorithmes quantiques à l'Institut d'analyse en informatique quantique (Institut für Quantencomputeranalytik) du centre de recherche Jülich. En tant que responsable, il y coordonne, entre autres, le projet QUASIM. Auparavant, il travaillait au Centre allemand pour l'aéronautique et l'astronautique (Deutschen Zentrum für Luft- und Raumfahrt) où il dirigeait le groupe d'informatique quantique à l'Institut de la technologie logicielle (Institut für Softwaretechnologie). Depuis 2016, le docteur Stollenwerk visite également régulièrement, en tant que chercheur invité, le Laboratoire américain d'intelligence artificielle quantique de la NASA (Quantum Artificial Intelligence Laboratory), dans la Silicon Valley.